Au fil des rendez-vous, Paul et Julie se rapprochaient. Paul racontait des histoires et Julie rigolait. Les sorties se succédaient aux balades apportant à chaque rencontre toujours plus de plaisirs platoniques et de moins en moins de cm entre les corps.

Un samedi, une balade eut lieu. Nos deux amis étaient engoncés dans leur siège de cuir du 4×4 Allemand de Paul et tous deux écoutaient tranquillement radio Freedom, les auditeurs appelaient comme d’habitude pour raconter des histoires que seuls les réunionnais pouvaient comprendre comme les « crimes culinaires » tels que le « Safran dans les brèdes mouroum » ou la « vanille dans le rougail saucisses », ces histoires étaient de la plus haute importance sur une île où les gens avaient une riche culture culinaire et où chacun voulait sauvegarder ce patrimoine avec orgueil.

A part bien entendu une part croissante de la population qui se nourrissait l’esprit essentiellement de Netflux en bouffant des hamburger – chips mayo – Soda light. On pouvait étudier le niveau social et culturel des réunionnais de la même façon qu’aux USA ou en France désormais, celui-ci était souvent inversement proportionnel au volume et à la densité du corps des individus étudiés. Radio Freedom était une célèbre station de radio où les gens appelaient pour parler de sujets typiquement locaux. Il y régnait une ambiance plutôt gauloise ou chacun s’écharpait en direct avec plus ou moins de rhum dans le sang, entraînant les rires d’à peu près toute l’île au même moment et aussi du monde entier car grâce à internet, la radio était diffusée en direct sur toute la planète. Paul et Julie riaient aux éclats en écoutant la radio quand vint le temps des chansons, l’animateur appelé Francky annonça le prochain titre:
« -Pour tous les amoureux, voici Georges Mickael – Careless Whispers ».

L’idée germa alors dans la tête de Paul de faire une petite plaisanterie à Julie qui chantait doucement la chanson.

Julie ne parlait pas un mot d’anglais elle se contentait donc de quelques mots baragouinés en chantonnant. Julie avait appris le coréen sur une application de téléphone, sa grande passion, elle continua à l’université en Corée et devint professeur de coréen, avant d’abandonner devant la nullité de ses élèves, nous étions juste avant le ras de marée de la mode K-pop. Elle avait juste eu raison un poil trop tôt. Après avoir renoncé à l’enseignement elle fit une grave dépression. On ne quitte pas une place de travail pépère avec un gros salaire sans conséquences, mais celle-ci ne dura pas trop longtemps car elle retrouva un travail pépère et mieux rémunéré encore au Crédit Agricole qui faisait des affaires fructueuses avec la Corée désormais grâce à leur petite malbaraise qui parlait parfaitement coréen.

Dans bouche de Julie, le coréen, qui était une langue sans charme voire assez laide, devenait tendre et même mignonne, ce qui ne laissait pas notre Paul indifférent. Le saxophone de la chanson était lancé et Paul chantait franchement, il avait une voix très correcte ce qui attira le regard de Julie qui lança en souriant:
« – Tu m’avais caché que tu chantais aussi bien. »
Paul répondit par un sourire tout en continuant à chanter.

Tout en conduisant d’une main, Paul mit son plan à exécution, il tendit la main ouverte au dessus de la cuisse de Julie avec un petit sourire malicieux et se mit en attente alors que la chanson se déroulait. Julie était surprise et regardait la main avec interrogation, jusqu’à maintenant il ne l’avait jamais touché et là il y avait cette main un suspension devant elle… Julie prit alors la main de Paul en glissant chacun de ses doigts dans les siens, elle chuchota quelque chose en coréen… Paul était heureux que Julie ait réagi ainsi, il ne compris pas ce qu’elle dit en coréen mais au fond il s’en fichait, main dans la main, il grimpait les rampes de la Plaine des Palmistes tranquillement sans penser à sa conduite. Nos deux amis ne disaient plus un mot et n’entendaient plus rien d’autre que leur cœur qui battait dans le rythme de la batterie de la chanson.

Une alerte kitsch style jingle des années 80, retentit dans la radio, Francky reprit l’antenne en annonçant un carambolage dans le Sud de l’île impliquant trois voitures, une collision frontale lors d’un dépassement dangereux, on comptait 2 morts, un adulte et un enfant de trois ans qui est passé au travers du pare-brise avant. On soupçonnait l’auteur du dépassement dangereux qui avait survécu par miracle à l’accident d’être en état ébriété.

By Patrice Bima

Juste un amateur de poésie de l'île de la Réunion qui s'est mis à écrire...

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