A force de t’avoir trop attendu, à force d’avoir tant espéré, d’un seul coup, d’un seul, tout s’est effondré. Je dois me l’avouer désormais, tout est bien terminé. Jadis, j’étais beau et solide, je ne faisais cas de rien. Je me contentais de cueillir l’amour et de le faire prospérer. Et l’amour poussait et grandissait sans crainte en pleine confiance. Je m’occupais d’elle et elle s’occupait de moi et que passent les jours et que passent les années. Le bonheur grimpait toujours et touchait le soleil. Et puis c’était la fin et ça recommençait. Il y avait de la tristesse parfois et quelquefois des pleurs, mais rien qui ne puisse m’ébranler plus que ça.
Ensuite vint l’âge, la déception, les erreurs. J’avais cru t’apercevoir à nouveau dans quelques cœurs. Mais ce n’étaient que mirages, rien que des gens bien fades et sans grande profondeur. Où êtes-vous femmes de cœur ? Le vôtre aussi a-t-il été rongé par des rats ? N’auraient ils pas laissé quelques miettes pour moi ? Rien qu’un grain, rien qu’un atome de cœur, je le prendrai, Donnez le moi !
Je prendrai ce bout de cœur meurtri, sanglant, prêt à disparaître. Je le grefferai à mon cœur déjà presque pétrifié. Tous deux cicatriseront au soleil d’été et fleuriront ensemble à force de se réchauffer. L’amour ainsi poussera à nouveau dans mon poitrail et je te rendrai ton cœur ressuscité. Voudras tu le reprendre ? Ou bien dois-je le garder ? J’aimerais garder ton cœur sur le mien bouturé. Viens donc sur ma poitrine mon amour revenu. Allons ensemble plus haut encore, là-bas vers le soleil. Grimpons toujours plus haut vers l’étoile d’à-côté. Et nous aurons sans doute une vie sans pareille.